Le copiste

"Le non de la France à la guerre en Irak va coûter très cher à la France et c'est une histoire qui est assez méconnue finalement, parce que dans le fond Chirac ne s'en est pas vanté. Pourquoi, qu'est-ce qui se passe ? Juste après la guerre il y a effectivement un coût de la reconstruction, un coût des opérations militaires pour les Etats-Unis, et dans le fond, les Américains trouveraient que ce serait assez juste et comme une forme de revanche de faire annuler toute la dette de Saddam Hussein en quelque sorte, elle est de plus de 100 milliards de dollars, de faire annuler cette dette, ce qu'ils considéraient comme une sorte d'appurement des comptes, ce qui permettrait à l'Irak de se redresser plus vite, donc c'est une forme de financement de l'Irak, eh bien de faire payer ça aux principaux pays qui étaient les créanciers de l'Irak et en l'occurence, il s'agit de la Russie, de l'Allemagne et de la France. Ces trois pays qui ont justement dit non à la guerre en Irak, donc pour l'administration Bush, faire payer Poutine, faire payer Schröder et faire payer Chirac qui a été le plus virulent sur le sujet, eh bien c'est une forme de revanche. Alors comment ça se passe,  eh bien entre la mi 2003 et la fin de 2004, une négociation se passe à Paris, dans ce qu'on appelle "le Club de Paris", un ensemble de créanciers, de pays qui finançaient l'Irak. Dans ce genre d'enceintes théoriquement, c'est assez à fleuret moucheté, on en arrive à des accords, notamment sur des pays très pauvres, on peut aller jusqu'à 60% 80% d'annulation de la dette. Sur des pays qui sont comme l'Irak, avec un énorme potentiel pétrolier, théoriquement on peut aller jusqu'à 30%, 40% voire 50% et l'administration Bush va tout faire pour maximiser ce taux d'annulation, et c'est donc Jacques Chirac qui au dernier moment va finir par craquer. Il sait que les Allemands ont fini par craquer et il ne reste plus que la France qui tente à résister dans le fond à ce rouleau compresseur pour l'annulation de la dette, et au dernier moment, sur un coup de fil de George Bush, Jacques Chirac craque et décide que le Club de Paris va valider cette annulation à 80% de la dette irakienne. Pour la France, ça représente un coût énorme, c'est une créance annulée de 5,5 milliards de dollars, soit plus de 4 milliards d'euros, c'est à peu près 80 à 100 fois plus d'argent que ce qu'on a donné à Haïti après le tremblement de terre en 2010, c'est 10 années de présence militaire française en Afghanistan. Aujourd'hui on cherche cet argent dans le budget de la France pour financer des logements sociaux, des programmes intéressants... On n'a pas envoyé de soldats mais ça nous a coûté très cher."

Vincent Nouzille, journaliste, entretien donné pour l'émission Sur les docks, aujourd'hui, entre 17h et 17h55 sur France Culture.

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