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Sine linea
4 septembre 2011

Le Bar de la lune

     Il y a de cela environ trois mois, en sortant d'un restaurant avec mon ami d'enfance, en passant rue Alsace-Lorraine, en face du square du Capitole, nous avons fait face à cinq ou six jeunes hommes dans l'ombre qui nous regardaient marcher, mi-agressifs, mi-indifférents. A peine le temps de les remarquer que je reçois sur ma tempe droite un projectile. La douleur est foudroyante, un point très précis, fin. Je m'arrête et cherche à comprendre qui m'a envoyé quoi à la figure. Rien vu venir, rien au sol, pas un seul geste repéré chez eux, rien. Je commence à les insulter, à mi-voix, sous le choc. Ils ne réagissent pas. Mon ami me regarde, perplexe. Il n'a pas envie de faire face à cette jeunesse débordante et inquiétante des cités. Nous continuons notre progression, incrédules. Je m'interroge, serait-ce une piqûre d'insecte, un projectile de sarbacane, un vaisseau qui éclate sous la pression de ma déprime ? Aucune idée.

     Ce n'est qu'une heure plus tard que j'ai commencé à sentir les premiers troubles, dans le dernier bar où nous avions atterri. Je pensais d'abord qu'ils étaient dû au whisky que je sirotais au comptoir. Mais la souffrance venait bien de ma tempe. Le point précis s'était étendu pour enfler ma face droite, de la tempe à la joue. Mon ami s'en est aperçu et inquiété, d'autant qu'une teinte bleue verte se répandait rapidement sur mon visage.

     Je me suis vite retrouvé allongé au fond du bar. La jeune femme avec qui nous discutions depuis une bonne demi-heure me prodiguait des soins adaptés, elle était infirmière. Pour moi, tout  tournait, je ne distinguais plus les visages ni les mots que l'on me lançait de loin. Le patron du bar, que je reconnus à sa longue cicatrice sous l'oreille gauche, s'accroupit et ouvrit en la déroulant une trousse blanche de laquelle brillèrent plusieurs lames effilées. C'est tout ce dont je me souviens.

     Ils m'ont raconté ce qui a suivi. Je suis toujours vivant, c'est ça le plus étonnant finalement. D'après eux, la plaie s'est mise à rougir et à s'élargir. Beaucoup de pus s'en échappa, par flots paraît-il. Moi j'étais déjà inconscient. C'est à ce moment-là d'après mon ami, les clients du bar et son patron, que la bête se décida à sortir. D'abord sa tête triangulaire et sa langue fourchue, puis, dans un bruissement aérien et liquide, tout le reste de son corps, baigné de sang et de pus, glissa d'un coup. L'étrange salamandre sembla les regarder tous puis fila sous le comptoir. D'après mon ami, seul le patron avait conservé son calme. Il raconta à tous comment sa vipère était sortie entre sa jugulaire et son oreille il y avait trois ans.

     La plaie s'est refermée au bout d'une semaine seulement et comme elle était venue, la douleur disparut, contrairement à ma peur. 

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