Persepolis et autres adaptations
Je ne suis pas du genre à pousser des coups de gueule. Quand ça m'arrive, c'est maladroit, poussif et injuste. De plus, j'ai la fâcheuse manie de le faire avec des gens dont j'apprécie le travail. Je m'attaque rarement aux gens inintéressants.
Bref, je voulais vous parler de Marjane Satrapi. Oui, j'aime beaucoup ses bandes dessinées, j'apprécie l'auteure au caractère trempé, frondeur et jusqu'au-boutiste.
photo tirée du site la libre essentielle
Mes petits griefs sont nés à Angoulême, 2003 ou 2004, je ne sais plus vraiment. Elle venait de publier le quatrième et dernier tome de Persepolis. Je la poursuis, comme je poursuis alors Lewis Trondheim et Joan Sfar, d'un stand à l'autre. Elle accepte gentiment de dédicacer deux tomes, je crois m'en souvenir. Je lui pose une question toute simple, de lecteur assidu et très respectueux de son travail, du style :
" Et vous travaillez sur le tome 5 de Persepolis ?"
vignette tirée de jrsp.tpypepad
Et là, elle se déchaîne, me répond à peu près :
"Non mais pourquoi tout le monde croit que je vais faire Persepolis toute ma vie ?"
J'étais surpris, un peu déçu à vrai dire. Et puis j'ai oublié cette pacotille, c'était il y a huit ans...
Mais elle m'est revenue quand j'ai vu son adaptation cinématographique (coréalisée par Vincent Paronnaud en 2007, auteur sous son nom Winschluss du magnifique Pinocchio, paru aux Requins marteaux en 2008). Évidemment, je suis tombé dans le travers idiot qui consiste à comparer les bandes dessinées et le film, et à être déçu par la perte esthétique et narrative...
image tirée du blog cinefils
Je me suis bien demandé en fait pourquoi un auteur ressentait le besoin d'adapter lui-même une de ses oeuvres, surtout une auteure comme elle qui visiblement avait grand besoin de passer à autre chose, même si je sais bien que le cinéma est autre chose que la bande dessinée...
J'étais bien sûr satisfait que le film marche autant, plus d'un million de spectateurs, mais je n'ai pas pu me départir de ce sentiment de malaise. J'ai trouvé la réalisation peu innovante, les voix des acteurs et actrices, que j'apprécie pourtant, irrégulières et peu naturelles...
Et là, rebelotte, elle adapte une autre de ses bandes dessinées : Poulet aux prunes, excellent livre paru en 2004, mais pourquoi cette auto-référence ? Je n'irai pas même si je pense le film bon.
Imaginons un peu des auteurs que Marjane Satrapi adore : Art Spiegelman par exemple, vous l'imaginez deux secondes adapter Maus au cinéma ? Aucun intérêt ! Ou à la clarinette, pourquoi pas !
tiré du blog de la Bibliothèque Municipale de La Chapelle La Reine
tiré du site drink and draw montreal
Prenons maintenant Joan Sfar : même s'il vient de réaliser Le Chat du Rabbin en juin 2011, une série animée de Petit Vampire sortie en 52 épisodes diffusée en 2004 et une autre adaptation cinématographique prévue pour 2013 du même Petit Vampire, on ne peut le comparer à Marjane Satrapi, au vu de sa bibliographie débordante et de son excellent film "biopic" Gainsbourg, vie héroïque sorti en 2010.
tiré de dafina.net
tiré de zoom-cinema.fr
Pour dépasser cette anecdote sur Marjane Satrapi, la question se pose de comprendre pourquoi notre génération, ceux nés dans les années 1970, ressentent le besoin de reconnaissance cinématographique, alors que leur art graphique est déjà tellement concluant ?
(finalement, ça n'a rien d'un coup de gueule, je les aime trop ces gens-là !)