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Sine linea
11 avril 2012

Yuichi et la lévitation du pantin famélique (4)

Yuichi et la lévitation  du pantin famélique  (4) (1998)

     L'armée finie, les études abandonnées, la séparation, le refus de l'argent de mes géniteurs, ma situation fort précaire nécessitait un de ces boulots à la fronde, un mi-temps, tant il était probable que je ne tienne pas les huit heures de travail quotidiennes. Je l'ai trouvé par Bertrand, mon meilleur ami comme on dit, alors livreur de pizzas. J'intégrais la première chaîne de livraison à domicile. Mes premiers salaires revinrent à Bertrand qui m'avait aidé à m'installer, caution... Je ne mangeais que de la grapille des bacs de la pizzeria : jambon, roquefort, pepperoni... me cachant des clients, des passants et surtout du patron et des assistants manager.

       Au cours de mon premier mois d'essai, je suis tombé par hasard sur un livre de Paul Smaïl, Vivre me tue, relatant notamment son expérience en tant que livreur, 04/01/98-05/01/98. Y. Mishima lui, pourrissait encore, avec Broch et les autres, Musil, Joyce, Lao She...

       Depuis peu, j'ai remboursé mes dettes, perdu 13 kilos, 45000 mots, tourné 5 pages de Y.M.

     " Les aveux de Yuichi révélaient des désirs juvéniles qui n'étaient pas encore passés à l'acte et qui corrodaient la réalité même. Quand rencontrerait-il la réalité ? Mais comme, au moment même où il devrait rencontrer la réalité, son désir devance la rencontre pour corroder la réalité, la réalité ne peut que se travestir en fiction éternellement et s'assujettir au désir, il n'atteint jamais à l'objet de son désir et ne bute chaque fois que sur le désir même. En entendant la confession de ces trois nuits où rien ne s'était passé, Shunsuké eut l'impression d'entendre la rotation à vide des rouages du désir."

       Toutes ces répétitions sont-elles le fruit de la traduction ? Je ne le pense pas. En tout cas, elles me font penser aux miennes, livres, livre, livreur... Tournoyer. Les cafards qui partagent mon nid tournoient comme des mots voués au silence. La solitude pourrait pour peu m'ouvrir une des portes de la poésie... Comme les livres cloués à mon silence, tout tournoie. Assez d'élan pour m'évanouir. Les questions sont autres.

       Quel morceau avais-je mis de côté pour livrer la raison de notre enchevêtrement, Y.M. et moi ? Dire tôt pour rompre le charme non atteint. Mes caractères ne franchissent nulle barrière, nul autre oeil, ils pâtissent simplement, leur naissance se traduit par leur perte, forêt vierge, encre, fouillis. Formulations semi-littéraires, détournements, perversion du système langagier... Pourquoi cette aimantation avec les mots, pourquoi cette perte vitale ? Et ces corespondantes que je pourrais croiser, convier... amours de loin...


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