Le lait du silence

     Hier soir, à l'écoute du metteur en scène Claude Régy présenté par Arnaud Rykner à la librairie Ombres Blanches. Du petit lait, une intelligence en rebonds, un sens du sens et du non-sens.

photo d'Alexandre Barry, son assistant, auteur du film : Claude Régy, La brûlure du monde, empruntée au programme du cinéma Utopia

     Ses amis sont les mots, les auteurs et le silence. On y entre petit à petit. On réfléchit dans tous les sens, à l'envers, à l'endroit...

   Il cite entre autres phrases : "Les mots servent à libérer une matière silencieuse qui est bien plus vaste que les mots." de Nathalie Sarraute.

    On écoute. Malgré notre fatigue, la fin de semaine, les ennuis, son souffle nous enveloppe et on se retrouve à nouveau à vagabonder dans notre petite tête, comme lors de ses représentations. J'avais assisté à son Ode maritime il y a deux ans d'après Pessoa. J'avais à ma stupéfaction pu entrer en moi-même, penser à mes projets d'écriture et de film, revenir à sa pièce, comprendre, ne pas comprendre, les frissons, l'émotion sans arrêts, incontrôlables, envahissants.       

    Cette pensée de n'avoir jamais vu un acteur avant le sien, seul sur scène, debout, un roc face à la mer, Jean-Quentin Châtelain.

photo de la représentation de Ode maritime, tirée de théâtre contemporain.net

   Il cite aussi : "On entend aussi ce qu'on ne sait pas qu'on entend." de Henri Meschonnic. Du temps. Le temps d'entendre ce silence, cette saveur, cette eau qui lie tout.

     Arnaud Rykner cite ensuite Claude Régy :

    "La folie veille sur nous, elle est toujours là comme une gardienne, comme une menace. Il y a des limites que l'intelligence ne franchirait pas si on éliminait la folie. Je cherche une extension de l'intelligence aux antipodes de la raison."

    Et Claude Régy d'ajouter, avec humour :

"C'est pas mal. Et comme tu le lis bien, ça a l'air bien écrit."

   Les voyages intérieurs avec de tels guides qui refusent de vous guider, vous laissent vous perdre au plus profond.

   J'embarque moi aussi, aux antipodes de la raison.