racisme ordinaire
Je le reconnais parmi sa petite bande, pérorant au soleil comme des lézards du sud, immobiles et arrogants. Ils dévisagent tous les passants, comme si nous avions nécessairement une bonne raison de nous cacher, quelque chose à nous reprocher. Il est là, vingt ans que je ne l'ai pas vu, mon ami ! Il était numéro cinq en défense et moi le quatre, accroché à la culotte du numéro neuf, chasseur de buts. Nous partagions tout, la honte des dribbles mangés comme la fierté d'avoir su déjouer les attaques sur tous nos fronts. Vingt ans ! J'aurais dû accourir vers lui, lui tendre la main, lui raconter ma vie, lui la sienne, nos enfants, nos divorces...
Mais non, je ne parvenais pas à franchir cette ligne invisible tracé par le temps qui est passé trop vite. J'ai du mal à le voir si changé, si fier. Je ne sais même pas si j'ai le droit de m'approcher de lui dans l'exercice de ses fonctions. Je continue donc ma marche, piteusement, lui tournant le dos.
Vous vous voyez vous aller serrer les mains d'un ancien ami devenu CRS ?