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Sine linea
9 mars 2014

Le Forçat -Jules Supervielle (6)

Et voici la muraille, elle use le désir,

On ne sait où la prendre, elle est sans souvenirs,

Elle regarde ailleurs, et, lisse, sans pensées,

C'est un front sans visage, à l'écart des années.

Prisonniers de nos bras, de nos tristes genoux,

Et, le regard tondu, nous sommes devant nous

Comme l'eau d'un bidon qui coule dans le sable

Et qui dans un instant ne sera plus que sable.

Déjà nous ne pouvons regarder ni songer,

Tant notre âme est d'un poids qui nous est étranger.

Nos cœurs toujours visés par une carabine

Ne sauraient plus sans elle habiter nos poitrines.

Il leur faut ce trou noir, précis de plus en plus,

C'est l’œil d'un domestique attentif, aux pieds nus.

Oeil plein de prévenance et profond, sans paupière.

A l'aise dans le noir et l'excès de lumière.

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