Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sine linea
31 juillet 2015

le chaostidien où je nage et vomis textes

     Croisé hier et avant-hier des muses, des poètes amies, des curieuses de vies et de textes, ça fait du bien ! Réappris à parler plus longtemps que les cinq minutes quotidiennes aux infirmières et le quart d'heure hebdomadaire au téléphone à ma mère depuis que mon pied est botté d'une orthèse... Elles sont venues faire la conversation au blessé de guerre, le repas, l'infirmerie... Merci Muses 1 et 2 !

     Et je découvre, grâce à l'une des deux muses poètes, Mu en l'occurence (elle aurait pu appeler son blog Le Continent de Mu, mais c'est si beau L'Oeil bande !), un texte de Thomas Clerc, Intérieur (rien à voir apparemment avec Interiors de Woody Allen, film quasi bergmanien dans mon souvenir), où l'auteur décrirait le contenu de son appartement, source de nombreuses pensées variées et littéraires (bonjour collègue de lettres anciennement modernes), loin je pense quand même de l'énergie épuisante de Perec... Je cite :

Ces pavés sont au nombre de 36 (4 horizontaux x 9 verticaux), l’âge où Michel Leiris a peaufiné l’Age d’homme, et l’année où l’on a autorisé les hommes à se démarquer 1 peu du temps productif.      

    Et j'ajoute, pour jouer, pour jouter (je ne mords pas) : "également le nombre de chandelles comptabilisées à chaque spasme"...

    Je fouille, farfouille, et me souviens que je n'ai pas lu le fameux Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre que ravive Clément Ghys dans Libération, je me souviens même que je l'avais oublié ce texte !

Extrait :

     Ma chambre est située sous le quarante-cinquième degré de latitude, selon les mesures du père Beccaria ; sa direction est du levant au couchant ; elle forme un carré long qui a trente-six pas de tour, en rasant la muraille de bien près. Mon voyage en contiendra cependant davantage car je la traverserai souvent en long et en large ou bien diagonalement, sans suivre de règle ni de méthode. Je ferai même des zigzags, et je parcourrai toutes les lignes possibles en géométrie, si le besoin l’exige. Je n’aime pas les gens qui sont si fort les maîtres de leurs pas et de leurs idées, qui disent : "Aujourd’hui je ferai trois visites j’écrirai quatre lettres, je finirai cet ouvrage que j’ai commencé." Mon âme est tellement ouverte à toutes sortes d’idées, de goûts et de sentiments ; elle reçoit si avidement tout ce qui se présente !… Et pourquoi refuserait-elle les jouissances qui sont éparses sur le chemin difficile de la vie ? Elles sont si rares, si clairsemées, qu’il faudrait être fou pour ne pas s’arrêter, se détourner même de son chemin, pour cueillir toutes celles qui sont à notre portée. Il n’en est pas de plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite.

    Mu(se) m'envoie ces références ce matin après nos discussions, moi revenant sur l'éternel Patrolin que je lis au ralenti prenant une leçon infinie de descriptions sur 800 pages : La Traversée de la France à la nage, dont je suis sevré depuis trois semaines, l'ayant égaré à l'hôpital... Et revenant aussi sur une autre source qui me pousse à lire le pavé qui coule, tellement lourd, dans les fleuves descendus et remontés par l'auteur-narrateur-personnage improbable, sans guide ni haleur, loin des poteaux de couleurs, je pense au film de Thomas Salvador : Vincent n'a pas d'écailles.

    

     Et également par rapport évidemment à mon immobilisation forcée, tendon d'Achille craqué, j'aurais pu décrire mon antre, faute de pouvoir décrire ma randonnée de 400km en 15 jours initialement prévue... Mais non, à la place de randonner, à la place d'écrire le récit de ma randonnée, à la place de décrire mon appartement-cercueil, je termine mon roman, thriller déjanté qui ne correspond ni au genre ni à rien...

     Et je découvre, grâce aux deux muses, qui collectent et cherchent sur internet, beautés, poésie, réflexions, textes et blogs, ce que je ne fais pas, plus depuis que Larcenet s'en est allé de la sphère (je n'ai pas enlevé son lien sur mon blog, des fois je clique, ça fait mal cet URL qui est vide, comme le répondeur d'un mort qu'on rappelle et rappelle avant d'annuler l'abonnement téléphonique et de vider sa maison), le blog littéraire : Le Clavier Cannibale de Claro. Quel plaisir de lire des articles structurés, qui prennent le livre pour ce qu'il est, ce qu'il a à dire, ce qu'on a à y lire !    

     Pas comme d'autres lieux, comme ici, sine linea, où le chaos règne, où la vie passionnante de l'auteur (il s'est fait mal au pied ? non, pas possible !) croise ses avis incomplets sur ce qu'il a mal lu, vu, entendu... Non, un havre de lecture et d'approches fines, merci les muses, merci Claro !

     Et puisque Rimbaud est entre autre évoqué ici (Rimbaud est toujours entre autre, ah ah, petit je(eu)), un petit quatrain pour conclure, loin de Dans ma chambre de Guillaume Dustan que je ne connaissais pas (merci Clément Ghys) (qu'est-ce que j'ai à remercier moi ce matin ?), et loin de mes digressions qui m'ont empêché de lisser mon roman en cours :

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Sine linea
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 118 888
Publicité