Renaître aux mains : 3 Par les mots B Réel épars
B
Réel épars
Le Verbe pousse du sommeil
comme une fleur ou comme un verre
plein de formes et de fumées.
Artaud
ま
Du temps où
je me souviens du temps où j'enfilais les mots comme des perles
pas besoin de chercher tout coulait de source
maintenant tout m'est travail et sueur bien inutiles
si j'avais su si j'avais su...
16 mai 2012
や
En l'air
trouver sans chercher
des jours entiers les fesses en l'air
à jouer avec les mots
si j'avais su que ça s'arrêterait
22 mai 2012
ら
Poème du matin
ça pousse comme de la mauvaise herbe
juste pour convaincre les cieux
que je suis là encore
à peiner
à vivre
je ne mérite pas d'être seul
avec mes vers
qui me bouffent
24 mai 2012
わ
Rengaine de la nuit
assis sur la rive de la ronde il suit l'ombre
comme une rengaine un pansement ces mots déterrés
pas de mains tendues juste des mots
dans la nuit de tes silences
6 juin 2012
が
Sur la vie rien
sur l'ennui je sais tout
les trous
les parois glissantes
l'humidité du moi
les peurs
la minute qui s'arrête
les secondes qui battent
en retraite
sur la vie rien
les couleurs
les joies fraîches
les rires du jour
les perles
les arcs de joie qui dansent
les cœurs qui battent
à l'unisson
6 juin 2012
ざ
Lectures passées
le catalpa de ma jeunesse
sous lequel je lisais
solitude
25 juillet 2012
だ
Ce qu'il en reste
assis sur la grève
il perce la rondeur des jours
le ballon se dégonfle
et change de couleur
pour disparaître dans le reste du bleu
30 juillet 2012
ば
Sempiritournelles
Des mots qui ont débloqué mon existence il y a quinze à vingt ans et qui reviennent quand je cherche des mots, c'est très étrange.
"assis sur la rive il suit l'ombre"
Je ne sais même plus si c'est le vers exact qui était venu alors mais il existe comme ça dans mon cerveau. Comme :
"la cloche cloche depuis longtemps"
16 août 2012
ぱ
Le dos du monde
c'est sur le dos
que je préfère le monde
à la renverse
les tempes qui tapent
le plafond devenu sol
et promener mon miroir
pour enjamber les seuils
imaginaires
novembre 2012
きゃ
La rive des mots
Là, sur la rive des mots depuis des mois.
J'attends que les phrases et les baleines y échouent, qu'il n'y ait plus qu'à trancher, au lieu de chasser au large, de retendre mes filets, d'aiguiser mes couteaux, d'opposer au sel mon corps à reconstruire.
Là, sur la plage, à regarder les vagues. Rien ne s'écrira comme ça.
16 novembre 2012
ぎゃ
De celle qui m'importe
j'ai envie d'une vague qui
m'emporte
n'importe laquelle
n'importe où
22 novembre 2012
しゃ
Pour rien
j'avais cru lire pour rien
au sein des sourds et aveugles
que ces mots mirifieraient mes seules
peurs et défenestrations quotidiennes
j'avais cru vivre pour rien
cœur errant inutile
arille stérile palpitant pour la forme
au sein des aveugles et des sourds
ce n'était pas pour rien
c'était pour mieux souffrir mon enfant
souffler souffrir mourir sourdement
au sein de cet azur - azur et asile aveuglants
22 novembre 2012
じゃ
âme et paroles en arille
pressées d'être
dites
sanglance de mes peurs
contenez-moi toujours
22 novembre 2012
ちゃ
Nuit pieuvre
La nuit, pieuvre affamée, appuie sur mes paupières, plus fort, plus longtemps.
J'attends.
22 novembre 2012
にゃ
Je vais les payer cher ces pépites de charbon que j'extrais de mes entrailles.
Ma vie morne, à bordure des caresses rêvées, en produit à chaque éternité allée, soufflant, souffrant, mourant, pour mieux dépecer ce vide.
22 novembre 2012
ひゃ
Un viol de poème
un viol
de poème
perpétuel
qui nous noie
26 novembre 2012
びゃ
L'enveloppe des craintes
C'est dans le cœur que ça tape, la panique tourne les sangs, me lance contre les murs, palpitant. Tout l'écrasement du monde quand je dors, une pesanteur démesurée appuie sur mes sens. La douche n'est là que pour fouetter le corps, rhabiller l'esprit. Et dehors, dans le trafic, au travail, je promène l'enveloppe de mes craintes, bien cachetée l'enveloppe, malgré les traits tirés et les yeux mangés.
26 novembre 2012
ぴゃ
Foutoir poétique
de la poésie foutoir
pousse les mots que ça fasse un peu d'effet
entre l'ombre et le rêve de lumière
jamais d'effort
que des pages qui s'écrivent seules
une sorte de pornographie
de l'instant des mots et des sons
un œil au dedans
pour exposer les chairs
rien explorer vraiment
jusqu'au dernier souffle
qui n'aura été qu'une erreur de vue
4 décembre 2012
みゃ
Rien à dire
ma mère avait raison
je n'ai rien à dire
rien à dire
si j'avais ça se saurait
c'était déjà trop tard
on l'aurait vu senti touché
là rien rien à dire
tout est dit
et la langue se retourne
et s'avale sans un bruit
une petite succion
rien de plus
6 décembre 2012
りゃ
Définir la poésie
La poésie naît, en tout cas, pour moi d'un trop-plein, d'incompréhensions, d'obsessions, de mots, d'angoisses. Il me faut, comme dans les rêves, rejouer la situation, dénouer tous ces réseaux pour pouvoir vivre, dégonfler cette tension. Une fois accomplie, elle attend son heure à nouveau, et je la crois capable de savoir créer d'elle-même les troubles pour imposer le tissu de ce qu'elle prétend calmer chez moi.
8 décembre 2012
い
Coulé noyé
l'ennui plus haut
que l'envie
coulons-nous
que le rien
nous noie
sous les mots la
tête
12 janvier 2013
き
Ni mal ni fleurs
Rien ne semble monter. Des mots usuels, seulement. Une sorte de partition consensuelle de mes pensées tout aplaties. Aucune fulgurance, ce rien qui m'étouffe, avant le déliement de la langue, les gemmes des mots. Rien. Une source en souvenir de s'être tarie, des mois, des ans même, définitivement. Un sang régulé, des mots vidés en permanence, comme un cœur en creux.
13 janvier 2013
し
Nouveauté nue
c'est dans l'abandon enfin
que tout monte et s'inscrit
c'est ça la douleur d'écrire
cette folle tension
pour ces rares secondes
où la couverture des mots
est ôtée
et où brille chacune de
leur syllabe
nuement nouvelle
28 janvier 2013
ち
Maladives saisons
fleurs malades et saisons infernales
mots et sang liés
28 janvier 2013
に
Eparpillé
des morceaux de moi
un peu partout
sur les pages
sur les écrans
dans les draps
où serai-je éparpillé demain
03 février 2013
ひ
De soi courants
les vents engouffrés
ouvert à eux
courants de soi
19 mars 2013
み
Bientôt les arrêts
la vie est un caillou à polir
mais mes doigts sont gourds
et ma langue rêche
je sucerai bien tôt
de la vie
les arrêts
21 mars 2013
り
Remontée de mots
de la vie les arrêts les arrêts de la vie
je ne sais pas d'où viennent les mots
les expressions tout sort
tout vit
dans une langue qui m'échappe
et puis
Rimbaud revient
de sa Norwège
dans ma mémoire
assez vu
assez lu
pour mourir
mais tout remonte
au temps des arrêts
je trouve les sources
les sources me trouvent
on me pense
j'ai l'avantage de parfois retrouver qui
on m'a pensé ce matin
permis de vivre un peu
rappeler à vivre
à aimer peut-être
22 mars 2013
ゐ
Mauvaises herbes printanières
des mots encore
des autres
bloqués
remontent
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
ou encore
elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
pareils aux
arrêts de la vie
ces mots
les miens
les leurs
c'est le printemps
les fleurs maladives reviennent
22 mars 2013
ぎ
Bleue cellule
le sommeil est une cellule bleue
d'où les songes rêvent
de s'échapper
22 mars 2013
じ
Rien de la rive
C'est de la rive, ladite rive que j'ai regardé les mots couler. Rien n'avait plus d'importance, ni les images ni les sons. L'intérieur de mes cris sombrait. Rien à retenir, rien.
30 mars 2013
ぢ
Que le crachin crache
Aucun accès aux mots
attendre que ça passe
que le crachin crache
que le venin monte
30 avril 2013
び
Seul ce mot
le cueillir à nouveau
ce mot
seul
lui redonner du coffre
et des proches
poétiser ce qu'il me reste à vivre
3 mai 2013
ぴ
Ne pas attendre
longtemps sans cette fièvre
des mots
abandonné sur la rive
sans un seul accès
je ne creuse plus
si les lettres veulent frapper
je sais que je ne pourrais lutter
donner le flanc seulement
je n'attends plus
pour vivre un peu
les douleurs sont trop fortes
pour transcrire
10 septembre 2013
う
Au conditionnel
seul le temps qui ne passe plus
me renseigne
sur ceux que j'aurais pu être
10 septembre 2013
く
Là d'ici
les mots ne sont plus
l'air stagne
avant la mort
l'abandon
pour y entrer vivant
11 septembre 2013
す
Les restes de soi
après ça
il ne me restera qu'à finir
les coupes
après ça
il ne me restera qu'à me pendre
à la poutre
13 octobre 2013
つ
Re-dite
Que des trous dans
lesquels je m'enfonce
pour ne pas
être ne pas
faire
23 novembre 2013
ぬ
Ne rien dire
nier renier rien
dire les rides
le temps qui reste
sur place
24 novembre 2013
ふ
Noir sang
allonger dans mon ventre
cette peine qui dépasse
dans le noir de mes mains sang
9 décembre 2013
む
Voeu contre
les jours s ' é g r è n e n t
je ne les compte plus
ni les maux ni les années
ces pertes sèches
en arrière la musique
jusqu'au cri un
15 décembre 2013
ゆ
Sèche lippée
j'ai longtemps bu au sein fiévreux
au cœur des fumées
j'en étais quitte et coi
pensant toujours laper ainsi
tout s'arrache à la lèvre
et le lait et le sein
la pluie acide du reste
a lavé mes pleurs
3 janvier 2014
る
Pertes de crâne
Sur la rive, encore, l'horizon débouché de mon pauvre crâne, négatif de mes pertes...
28 janvier 2014
ぐ
Brûlure retour
rouler des syllabes
sur le ban des vierges
n'est offert que peu
l'ouverture est si mince et rare
que tout vient à chuter devant
avant d'être dit
les mots brûlent en retour
revenus enfermés
quelle soif d'y revenir
maladie entre toutes
10 février 2014
ず
Degrés à descendre
le reste
à vivre
en attente
d'être pris
sans odeur
ni sens
bol froid
nuit atteinte
13 février 2014
づ
Les jours las
Las
les jours en perles
le collier sans griffes
sans notion de fin
14 février 2014
ぶ
A ravaler
Il a la beauté facile et c'est heureux pour lui.
Pour moi ? Les mots doivent ravaler, draguer tout ce qui a déjà été dit par d'autres et par l'intérieur de ma voix, cette conscience endormie.
Dans les boucles fermées, les perles acceptent de s'enfler, pour la forme, pour le sourire d'un son.
Et tout retombe, de si peu haut ; si nous étions seulement montés...
Tout ça pour figer le nuage et la main, en l'air, retombés, ouverts.
Et les yeux toujours, ses fenêtres et les miennes, davantage meurtrières que les siennes, ouvertes à l'infini.
16 février 2014
ぷ
L'ombre
qui suis-je si évité
l'ombre de personne
personne dans l'ombre
l'ombre du dos de soi
jamais vu
supportable
sans doute
4 mars 2014
きゅ
tout a sauté
mots et verrous
là
au bord du cercle ancien du cirque
les nuages dans les flaques
qui veulent bien mentir
tout bouge
rien oui
30 juillet 2014