des mots de rien...
Je continue à jouir tout doucement de la poésie de Guy Goffette, des phrases disséminées en vers, en strophes qui ne correspondent pas au rythme des périodes; les images semblent légères, polies par le décalage et la fulgurance, et tout s'envole étrangement au détour d'un nouveau tour de passe-passe.
Touché au coeur en lisant Éloge de Robert Frost, mon voisin, s'articulant sur ce que le poète aurait cru savoir avant de développer ce qu'il reconnaît finalement ne pas savoir. De quoi parlent ces ignorances ? De la poésie, de l'enfance, dans une dérive toujours plus douce.
Éloge de Robert Frost, mon voisin
J'ai cru longtemps comme toi qu'il suffisait de toucher
le bois d'une table pour marcher avec la forêt,
de caresser le galbe d'une statue pour donner
un corps tout neuf à l'amour, de croquer
un fruit vert pour que s'ouvre à nouveau
le jardin de l'enfance et que la mer appareille
qui était blanche comme tout ce qui endure
sans parler le feu des longs désirs.
J'ignorais
que là où l'enfant peut entrer de plain-pied
un mur se dresse que le temps a bâti
avec nos coeurs aveugles, avides, nos belles
promesses, nos serments de papier,
et c'est celui-là même où nos rêves se brisent
que tu défais, poète, pierre après pierre,
avec des mots de rien, des mots de peu
que les pluies ont lavé, les silences taillés
comme un diamant dans la lumière des jours.