Le Mal de terre, André de Richaud (1947) (12)
Ils marchaient maintenant côte à côte dans l'étroit sentier et les herbes qui le bordaient leur arrivaient jusqu'au ventre. Toutes les étoiles d'avril étaient à leur place. La voix lactée croisait leur route, pareille à une traînée de poussière au milieu du ciel, et le caraque - comme il faisait chaque soir - regarda l'étoile qu'on lui avait donnée en naissant. Vous savez, celle qui brille tant, entre deux autres plus petites ? Il éprouvait une joie sans bornes à contempler ainsi l'étoile qui était la sienne et se trouvait heureux. Le brouillard du soir commençait à envahir le sentier et il le sentait se déposer en buée fraîche sur ses épaules. Il frissonna. Ulysse, au contraire, marchait à pas lourds, serrant son col sur son menton, avec une toux sèche. Pour la première fois de sa vie, il était heureux d'avoir quelqu'un à ses côtés, mais sa joie ne ressemblait pas du tout à celle de l'autre. C'était comme une main qui le serrait à la gorge et dont l'étreinte n'était pas douloureuse. Il s'apercevait que jusqu'à ce moment il avait souffert, et quelqu'un, dans l'ombre, desserrait ses liens.