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Sine linea
17 septembre 2018

lettre à E.

tu espères dis-tu
que le reste sera à la hauteur du début ?
à la hauteur de l'herbe du camping oui !
tu as aimé le début
de - deux jours d'orage trente-deux poèmes -
vrai ?
chouette alors !
aujourd'hui j'ai reçu le BAT (Bon A Tirer)
pour le poème "la force de la figure"
qui a été retenu par la revue La Piscine
je te dirai quand ça sort et où
je te l'enverrai
ça fait du bien du beau papier
et quelques yeux qui lisent
même survolent
même critiquent
même déçus
un jour on saura que j'écris au pied des arbres
en attendant la marée qui ne vient pas
sur la rive espagnole
on saura que ça s'écrit tout seul
après les douleurs vides
quand faute d'atteindre les fonds
quelque chose se délivre
la somme des riens
le reste des presque vécus
la lente décomposition des lectures passées
(oh mon Elsa !
j'ai acheté il y a trois jours
tout Shakespeare
tu imagines ?
je me vois tout lire dans l'ordre
le plus lentement possible)
des élastiques dans le cerveau tu sais
tout est tendu et ça claque
ça pète
un clac comme ça
clac !
rien de plus
presque indépendamment
c'est comme si le fauve décidait
lui-même d'entrer dans le cerceau
même pas besoin de fouet
clac !
(eh mon Elsa
j'ai fini d'écrire mon livre pauvre aussi
sur l'Allemagne
pour l'exposition de Belfort
je t'en avais parlé sur cette belle place bordelaise
tu sais ?
j'ai écrit une lettre à Nelly Sachs
j'étais une femme
j'ai écrit cette lettre à une morte
je le dis dans la lettre
j'ai cherché une souffrance de femme pour correspondre
à la sienne
je n'ai pas cherché bien loin va !
j'ai pris la seule que je connaissais
la perte
tu sais
dingue !
j'étais entre Sachs Celan Hölderlin
une exaltée d'un autre siècle
un souffle un souffle qui venait de loin tu sais
j'avais juste à relire la dernière phrase de ma lettre
et la suivante venait
exaltée des heures des heures durant)
(maintenant que tout est retombé
je ne sais plus pour le souffle
je vois la folie
le moût de la folie
ce qui reste après piétinement
le marc)
(en tout cas j'étais femme d'un autre siècle
je parlais à tous Selma Paul même Johann
tu verras
je t'enverrai
j'étais folle romantique allemande)
lis lis le reste de mes poèmes espagnols
en attendant
comme on lisait dans ta baignoire
on lisait des heures dans l'eau chaude et la mousse
je fermais les yeux tu lisais
c'était quoi
Perec encore ?
Rimbaud
tu lisais à côté de la baignoire
tout habillée
ça résonnait dans les tuyaux
oui lis encore comme ça mes poèmes
que ça résonne encore dans les radiateurs
mon sexe était petit nénuphar
perçant ou non les mousses
il s'éclipsait face aux mots lus
oui lis lis comme ça
je t'écoute
j'étais derrière chez ton père en Espagne
au Cap de Creus
quand les trente-deux poèmes se sont écrits
le temps était aux orages
les fourmis avaient pris mes yeux
la mante religieuse me dictait tout ça
je disparaissais sous l'arbre
et les yeux de mes enfants
et maintenant tu lis
ça fait trente ans que tu veux bien les lire mes poèmes
ça doit être pour ça que ça s'écrit
que le fauve entre dans le cerceau
que ferais-je sans tes yeux ?
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