Roman : Carnet d'esquisses. 1999 (45)

CARNET D'ESQUISSES - 1999

Partie 45

        Les boîtes d'interim veulent une preuve  de mes capacités manuelles, ils ont raison les braves mais je n'en ai pas, je n'ai que des diplômes inutiles de licence de fac, dont je tairais le domaine tant j'en ai honte aujourd'hui... Les amis n'ont plus d'argent à nous avancer, ils ont bien raison les braves, on n'a que trop tirer sur la couverture... Je ne demanderai rien à mes parents, c'est convenu même si dans leur dernière lettre, ils nous ont répété qu'en cas de besoin je pouvais demander à un oncle à qui ils ont laissé pas mal d'argent, afin d'aider un des leurs trois enfants si besoin était. Il n'en est pas question. Trop longtemps que dure ce petit manège. Deux ans que je refuse toute aide parentale, je ne vais pas replonger ! Et puis, voir mon père poser sur une des photos qu'ils nous ont envoyées devant leur maison, là-bas, engrillagée, barricadée, gardée jour et nuit par plusieurs sbires aux prénoms typiquement africains, poser donc, tel un bon vieux colonisateur français ou belge dans un des deux Congo, ça a plutôt tendance à m'écoeurer... Sans compter leur retraite, savoir qu'ils touchent en un mois plus que nous en un an... Peut-être que de voir mon enfant manquer de tout va-t-il me décider, nous décider ?

        Mon amie est inquiète elle aussi, mais beaucoup moins que moi, l'expérience qu'elle a de toutes ces affaires, caf, prestations, ccas, aide parentale d'éducation ou quelque chose comme ça, dsd... elle sait que quand tout sera débloqué, on touchera pratiquement suffisamment pour parvenir à payer ce que l'on doit à droite à gauche... Nous qui voulions déménager, prendre quelque chose de plus grand, plus confortable, une terrasse si possible, on déchante... Mais elle est douée, elle y croit. Moi, je dois me reposer, ne pas commander un autre café, cesser de remuer nerveusement ma jambe sous la table, trouver rapidement une solution pour aller à cette échographie, poser ce stylo, recouvrer mon calme.