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Sine linea
30 décembre 2012

à la tête du lit

     Rien de mieux que de laisser traîner les livres à la tête du lit, ils ramassent la poussière et la nuit, les mots coulent en nous, mixant les songes, les sons et les peurs. Hier soir, c'est en ouvrant Pavese que le ravissement est venu.

 

Révolte.

 

Le mort est crispé contre terre et ses yeux ne voient pas les étoiles :

ses cheveux sont collés au pavé. La nuit est plus froide.

Les vivants rentrent à la maison et en tremblent encore.

On ne peut pas les suivre ; ils se dispersent tous :

l'un monte un escalier, l'autre va à la cave.

Certains marchent jusqu'à l'aube et se jettent dans un pré,

en plein soleil. Demain en travaillant, il y en a

qui auront un rictus de désespoir. Puis ça aussi passera.

 

Quand ils dorment, ils sont pareils aux morts : s'il y a une femme,

les odeurs sont plus lourdes mais on dirait des morts.

Chaque corps se cramponne, crispé, à son lit

comme au rouge pavé : la longue peine

qui dure depuis l'aube vaut bien une brève agonie.

Sur chaque corps s'englue une obscurité sale.

Seul de tous, le mort est étendu aux étoiles.

 

Il a aussi l'air mort cet amas de haillons

appuyé au muret, que brûle le soleil.

C'est faire confiance au monde que dormir dans la rue.

Entre les haillons pointe une barbe que parcourent

des mouches affairées ; les passants vont et viennent dans la rue,

comme des mouches ; le clochard est un fragment de rue.

La misère, comme une herbe, recouvre de barbe

les rictus et donne un air tranquille. Ce vieux-là

qui aurait pu mourir crispé dans son sang

a l'air au contraire d'une chose et il vit.

Ainsi, à part le sang, chaque chose est un fragment de rue.

Et pourtant, les étoiles ont vu du sang dans la rue.

 

1934.

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