et la lie et les cris

"Les lignes de mon journal sont pratiquement illisibles et j'ai du mal à me relire. Il faut pourtant que je fasse un effort pour m'appliquer. C'est important ! C'est la chose que l'on retrouvera de moi, une fois que la vermine m'aura entièrement absorbé ! Je ne suis déjà plus qu'une ombre. Je vais pourrir ici au milieu des ruines. Je vais disparaître comme cette ville."

Georges Serent, Le Dernier souffle.

     Tous ces inconnus comme moi qui poussent les mots dans un chariot, de nuit, imbus de leur importance démesurée...

    Meurs, toi aussi, bouffé par les rats qui bouffent les chiens comme tu l'écris, que ton dernier souffle soit le dernier et non plus des mots, meurs, quoi d'autre de toute façon, rien d'autre... Cesse d'insulter la vie de merde que tu décris, passe ton chemin ô semblable ô frère de sang d'encre, fais-nous de la place, pour que la beauté perce ne serait-ce que du vide de tes verbes lourds.

    Je ne te vaux pas frère, mêmes rapaces, mêmes faiblesses, mots endormis sous ceux des autres braillards. Je ne te critique pas non plus, je ne connais pas tes livres. Je mesure juste le vide, le tien, le mien. C'est la mienne que je me souhaite, le trait, franc, définitif, repos des mots. Vis, quoi d'autre, permets-toi ! Je te cède la place et la vie et l'écrit et la lie et les cris. Prends donc, hume, fais frissonner ta narine. Vis encore, après tout, je ne saurais condamner ni toi ni les autres.

    "C'est important !" C'est ça qui ne passe pas, c'est important, quoi, ton journal ? La Faim du tigre peut t'instruire encore, même si tu as quitté l'adolescence, et Bureau de tabac te nourrir, vermine en puissance...

     C'est important, blague du soir ! Vis donc inconnu, vie capitale.