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Sine linea
14 mai 2018

Le Mal de terre, André de Richaud (1947) (4)

     C'était un soir d'avril. Malgré tout, la douceur de vivre arrivait jusqu'à ce village maudit. Quelques fleurs poussaient gaillardement entre les pavés et, sur les champs en pente, les amandiers dévalaient comme des tas de neige rose. Tout autour du pays les monts faisaient un cercle bleu et, aux reflets qui se croisaient dans le ciel, on pouvait deviner que le soleil couchant se posait, quelque part dans le monde, sur des toits roses, sur les joues claires d'une fille, sur quantité de choses heureuses et éblouissantes. Cet air doux se frayait quand même un passage jusqu'au coeur de ces brutes ; une langueur peu commune envahissait leur sang. Ils étaient presque tous assis sur le pas de leur porte. Les hommes ne fumaient pas ; les femmes ne se livraient pas à ces menus travaux qui aident au calme d'un village, le soir. Ils rêvaient en se regardant.

     Ils se ressemblent tous. Ils vivent les uns dans les autres. Ils font l'amour entre frères et soeurs, entre cousins et cousines, et cela leur donne des enfants laids, idiots, ou au visage illuminé d'une sorte de feu qui ne tarde pas à les consumer vers dix-huit ou vingt ans. Tous, ils sont atteints de quelque maladie de l'âme ou du corps. Ils se laissent mourir sans même essayer des remèdes de sorcier qui ont fait durer les hommes jusqu'à nous lorsque le mal les assaillait de toutes parts.

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