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Sine linea
26 décembre 2019

L'arbre à fric (Jour 3, 27/09/2019)

Vendredi 27 septembre

 

      Posés dans ce café depuis deux heures. On se remet doucement de notre trip. Dans la nuit, deux ou trois arrêts, du sommeil quand même, l’impression de se traîner ! Une fois arrivés, on a fait le tour de la ville d’abord, Arcata, pas si petite au final, endormie, froide. On a poussé jusqu’au marais, bucolique ! Des oiseaux gris surtout, des taches grises, comme de petits albatros, pour ce que j’y connais en oiseaux… On a mangé un peu, dormi dans l’herbe encore humide de la nuit et on est venus se réchauffer dans ce café. Enfin, on avait l’air un peu cons, tout le monde bouffait, mais bon, on a pu se mettre à une table et déguster leurs bières sans rien prendre à manger. Chaque expression me renvoie à ma nullité en anglais, je regarde le nom du resto, je ne le comprends pas bien… « lost coast bewery »… Pour être lost, ça on l’est, et sur la côte, oui… Ils ont une sacrée liste de bières ! On en est à notre troisième, je flotte un peu. On sait ce qui nous attend, ça nous excite et nous fait peur en même temps. On a parcouru une bonne partie de la planète, et on n’est sûrs de rien à l’arrivée.

 

« Tu dois voir plus loin I'm lost
Tu dois revenir I'm lost
Egaré en chemin I'm lost
Tu verras le pire I'm lost
 » B.C.

 

      Une heure qu’on est là, au bord de la route, avec notre panneau en carton… La peur, que ça ne marche pas, peur des flics, peur des tarés, peur de rester là des semaines sans que personne ne s’arrête. On a fait ce que Cathy nous avait dit, on est là, lost, perdus, l’après-midi, entre Arcata et Eureka, à tendre nos messages, bouteilles à la mer ridicules. On fait tenir notre panneau au sol, on ne voit que lui pourtant ! Comme gravé notre message, en grosses lettres, plein centre, en majuscules noires et épaisses : « HARD WORKERS », et au lieu du pouce tendu de l’auto-stop, le sécateur vert Fiskars, levé vers le ciel. Rien à faire. Je reprends le carton, le colle contre mon torse, ma tête dépasse à peine, nos Fiskars ouverts et coupant l’air en confettis. Pour rien.

 

      Le soir tombe, on a quitté le bord de la route pour ne pas nous faire remarquer dès le premier jour. J’ai toujours été pris en stop, une heure d’attente maximum, là c’est différent, on veut bosser… On a dû tenir quatre heures, on n’en peut plus… On a marché un peu dans une sorte de champ inculte pour rejoindre la lisière d’une petite forêt, protégée par des barbelés. On n’ose pas sortir ni monter nos tentes encore. La nuit ne devrait pas tarder. C’est davantage qu’une déception, une angoisse sourde. Il n’y a personne qui est passé depuis qu’on a trouvé notre petit coin. Denis nous prépare un petit dîner en gardant de quoi tenir au cas où. On n’est pas loin de la ville, on pourra toujours y faire des courses. On a beaucoup parlé l’après-midi, pleins d’espoir, et là, on reste taiseux, marre de ressasser nos conneries.

 

      La nuit est bien là. Peur des phares qu’on voit au loin. Peur des patrouilles. Il fait bon, je n’ose pas sortir ma tente. Pareil pour Denis. On opte tous les deux pour nos hamacs. On déguerpira plus vite en cas de soucis. On dira qu’on a fait du stop, que ça n’a pas marché et qu’on bivouaque avant de repartir le lendemain…

 

     Dans nos hamacs, chacun dans son monde, la musique pour m’endormir, pas sûr d’y parvenir. Qu’est-ce qu’on fout là ?

« Psychic spies from China try to steal your mind's elation
And little girls from Sweden dream of silver screen quotation
And if you want these kind of dreams it's Californication
 » R.H.C.P.

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